Balades de FleePee



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Faut pas FleePer comme ça!!

Je m'excuse pour la piètre qualité des images...
Mais je n'ai pas mieux; j'ai malheureusement effacé la cassette DV originale...

   

    Jeudi 7 Mars 2002, 22h30, retour à la maison après une longue journée de taf.
Je suis abonné à Moto Journal, qui paraît le jeudi, et, pas de soucis avec la poste, l'hebdomadaire dépasse de ma boîte à lettres...
Je m'en empare et pénètre dans mon appartement.
Je pose mon casque et le reste de mes affaires et me prépare rapidos de quoi manger.
J'ai quatre jours libres devant moi, je termine la lecture du magazine au pieu, parce que je suis claqué, j'ai besoin de me reposer.
    La rubrique qui me plaît le plus, c'est la rubrique des niouzes et agenda des compétitions moto, ça fait longtemps que le reste des articles m'intéresse peu, entre roadsters et sportives, ça ne parle que trop peu de choses qui me plaisent...


Tiens donc...
Ce week-end commence le championnat du monde Superbike, première manche à  Valencia...
Je n'ai jamais vu de course de Superbike, soit c'est trop loin, soit je ne suis pas dispo...
J'aimerais bien y aller; je suis cette fois-ci dispo et ce n'est pas trop loin si on compare avec Phillip Island, et puis il paraît que le circuit est construit comme une arène, et que du coup, on a une bonne vision de la piste en tant que spectateur.
Et puis il paraît aussi que c'est la teuf, et la teuf, en Espagne, c'est toujours quelque chose!!
Je m'endors là-dessus, sans y repenser après avoir fini de lire et éteint la lumière.

    Le lendemain 6h30, je me lève, et je ne bouscule personne, vu que je suis célibataire et que je dors seul, j'allume la machine expresso, et pendant qu'elle chauffe, j'attrape une carte d'Espagne pour voir où exactement se trouve Valencia.
Au premier expresso, je visualise avec envie sur la carte un itinéraire sympa pour y aller.
Au deuxième, je suis sur le site officiel du championnat pour récupérer l'adresse du circuit et regarder le prix d'entrée.
Ben, c'est pas cher, et au troisième expresso, j'ai mon billet imprimé, la caméra est déjà en charge.
Donc, c'est décidé; je pars...

    

    Défécation, miction et douche, afin de voyager propre et léger, puis je jette sans trop réfléchir quelques affaires dans ma sacoche réservoir ainsi que dans un petit sac que je placerai dans le top case.
Le sac de couchage? Pas la place! Je me démerderai bien pour dormir...
Faut que je fasse vite, au mois de mars les journées sont courtes, et je ne suis pas un grand fan de la conduite nocturne.
    Moins d'une heure après mon réveil, je suis sur la moto, fais le plein et commence à profiter de la journée.
Je longe la côte, passe la frontière en prenant la route de Ciboure, jardine un peu avant de faire une pause à Tossa del Mar, traverse Barcelone, évite Valencia en prenant la voie rapide qui mène au circuit.

          
Tossa Del Mar

    J'en sors trop tôt et me dirige grâce à ma boussole interne vers le circuit à la nuit tombée.
Au détour d'un virage, je le vois, là, en entier, au pied de la colline que j'arpente par une route tortueuse et minuscule...
Je ralentis jusqu'à  m’arrêter après avoir tourné plusieurs fois la tête vers le circuit, incrédule face au spectacle qui s'offre à moi...
Personne!
Pas un chat, pas un homme, pas une moto dans les gigantesques parkings qui entourent le circuit...
Ah si, deux bagnoles arrêtées au fin fond d'un des parkings, deux silhouettes à côté, certainement des vigiles...
Je coupe le moteur.
Pas un bruit, rien.
Pas de lumière, pas de musique, pas de moteur au rupteur, rien...
    Bon, ben... je vais aller à Cheste alors, la petite ville qui jouxte le circuit, puisque de toute façon je n'ai pas le choix; au circuit, il est clair qu'il n'y a rien, s'il y a quelque chose dans le coin, c'est à Cheste que ça se passera, et puis s'il n'y a rien, faut que je trouve de toute façon un coin pour dormir!
Je vois un halo de lumière derrière la colline, la ville doit donc être par là-bas.
Quelques kilomètres plus loin, je vois la ville, son clocher.
Le clocher, c'est souvent le centre du village, donc j'y vais.
Personne dehors sur la place de l'église et de la mairie.
Seule moto dans le coin, un ersatz d'Africa Twin sur le trottoir...



    Deux bars en formica, éclairage aux néons, déserts par rapport à leur taille... je fais le tour de la place.
Damned!
Non seulement le doute m'habite, mais aussi l'inquiétude mes couilles, pour compléter ce tableau... me serai-je trompé de jour?
Y aurait-il eu une erreur sur l'agenda de Moto Journal?
Mais non... je m'en serai rendu compte en achetant le billet...
Au bout de la place, j'aperçois une Ducati 748 toute belle et toute rouge qui me fait de l'oeil, avec deux gars en combi sport sur le banc d'à côté.
- "Bonjour, je suis venu pour le Superbike et je ne comprends pas, il n'y a personne sur le circuit pas plus qu'en ville..."
- "Moi non plus je ne comprends pas, je voulais montrer à mon fils l'ambiance motarde avant une course et là, on hésite à repartir!"
Ils partagent avec moi leur pain, leurs olives et leurs sardines, le père parle très bien français, et heureusement, car moi pas du tout espagnol, on discute et je les invite à boire un verre dans un des bars de la place.

- "Tu veux que je vois pour toi si les gens d'ici connaissent un endroit où tu pourrais passer la nuit?"
- "Ziva!" réponds-je en substance.
Ça ne s'annonce pas terrible, il y a un ou deux hôtels dans la ville et il serait surprenant que j'y trouve une chambre...

    On finit par se dire au revoir, on enfourche nos motos respectives, et je commence à tourner au hasard dans la ville pour trouver les hôtels...
Je finis par tomber sur l'un d'eux, de moins de dix chambres, toutes prises...
En ressortant, je croise un binôme policier municipal, dont les deux membres se complètent, puisqu'il y a un membre de la police sans membre viril et un membre membré, du moins je le suppose, c'est donc un binôme mi-homme mi-femme.
Hors de la ville, à une vingtaine de km au bord d'une nationale, ils m'indiquent que je trouverai un grand relais routier.
Je prends donc la route dans la nuit noire en rase campagne, je trouve ça loin, surtout que j'en ai un peu marre de rouler, et quand j'atteins enfin le fameux relais routier, il est grand, certes, mais surtout, il est fermé!!
- "Schlangenbad!", comme ne disent pas les allemands, mais comme moi je dis souvent pour ne pas être grossier en français.
Je fais demi-tour vers Cheste, j'avais vu dans une petite rue étroite une pancarte "Habitacionnes" accrochée à une façade dont toutes les lumières étaient éteintes, je vais tout de même aller frapper à la porte.
J'arpente donc à nouveau les rues au hasard, sans retrouver celle que je cherche...

    Et d'un coup, au détour de l'une d'elles, de la lumière, du bruit, des motos, du monde partout!!!

Tous les dix mètres ou presque, une sono envoie les watts et sature ses enceintes, des sportives défilent en échappement libre avec la nana qui porte à l'arrière le silencieux sous le bras comme une simple baguette de pain.
Casque ouvert, bouchons toujours dans les oreilles, j'ai du coup la banane, j'hallucine un peu, et j'avance au ralenti au milieu de la foule, je montre bien que je ne suis pas n'importe qui puisque je dois être le seul en trail dans toute la ville!
Vers la fin de la rue, une choppe de bière à la main, un gars me fais signe de me garer; je lui fais comprendre que mon Africa est un peu grosse pour la place qu'il me désigne.
Pas de problème, il appelle son pote, ils attrapent un scooter attaché qu'ils portent un plus loin.
Et du coup, ça va, j'ai largement assez de place...
Volubile, il commence à me parler, mais non seulement je ne comprends pas l'espagnol, mais en plus avec le casque, les bouchons et la sono posée sur le trottoir, je ne l'entends pas trop. Il fait le tour de la moto et voit ma plaque française.
- "Ah, tu es français? Tu dois avoir soif, tu veux une bière?" me dit-il dans un français impeccable, et je sens bien que ça lui fait plaisir de parler français.
Le temps de descendre de la moto et d'arriver au comptoir, une pinte bien fraîche m'attend.
On fait les présentations, on tchatche, son collègue ne parlant qu'espagnol, le premier qui m'a branché joue au traducteur.
A peine à la moitié de mon verre, il me dit:
- "Tu dois avoir faim aussi, non?"
Hop! Bocadillos y tapas sur le comptoir!!
Après tout ça, on se pose en terrasse, sur le bitume.
- "Et tu veux fumer, aussi?"
Ben oui...
- "Warum den nicht?", comme disent les allemands et moi aussi pour le coup...
- "Cocaïne, tu prends?"
Non, ça, ce n'est pas pour moi, mais merci quand même, c'est gentil...

    Tous les trois, on part à travers les rues dédiées à l'excitation motardistique, regardant les stunters pros que la ville paie, histoire que les gens admiratifs hésitent à être ridicule en faisant leurs petits wheeling et surtout, ça a le mérite de limiter les risques éventuels d'accident...

    Et même avec des pros, cela reste un peu chaud...
Sur les deux grandes lignes droites des rues de la ville dédiées à la moto, les gens se pressent et se décalent vers le centre de la rue pour voir arriver à 130km/h et plus les bécanes en wheeling sur la roue avant ou arrière, pilote assis sur le réservoir, faire des huit en burn, etc, etc...
Les marges de manœuvre et d'erreur sont faibles!

Mais bon, tout se passe bien, pas d'incident.
Mais je reste vigilant, je n'ai pas envie de me prendre une moto lancée dans la tronche alors que je regarde ailleurs...

     

    Whisky, Rhum et autres alcools coulent, pas à flot, mais tout de même avec un certain débit...
Tant et si bien que vers 4h30 du matin, on est un peu avachis à un comptoir, mais l'ambiance est toujours aussi bonne et ne s'est pas relâchée, il y a toujours autant de monde, en train de festoyer gaiement, un pur bonheur!
- "Mais tu sais où tu vas dormir ce soir?"
- "Ben, non, je n'ai rien prévu, je crois que je vais dormir dehors à une terrasse, ou dans un champ..."
- "Mais non! Tu vas venir dormir à la maison, j'ai de la place pour toi!"

    On finit par partir après un dernier verre, burp...

Ils sont tous les deux en sportives, pas récentes, mais bien trafiquées, et ils avoinent comme des malades, sur une route bien large au bitume de compétition, qui serpente entre les collines en direction de la banlieue de Valencia où ils habitent.
Je ne conduis que d'un œil paskavec les deux, ma vision de la route est un peu trouble et floue...
Boire et conduire, je n'ai pas choisi, mais je roule à mon rythme, donc très lentement, et ils m'attendent tous les kilomètres...
C'est alors que je commence à me faire une bonne grosse crise de parano, au milieu de la nuit noire sur cette route déserte...

- "Putain, si ça se trouve, ils m'amènent dans la campagne pour me dépouiller, ça n'existe pas des gens aussi serviables, il y a un truc louche là-dessous!"


    J'hésite à m'arrêter et faire demi-tour vers Cheste tant que je sais où je suis...
   Dernier verre à 5 heures du mat dans un troquet de la banlieue industrielle, ouvert 24/24, puis l'autre gars nous salue et s'en va.

On arrive ensuite devant un immense portail en fer plein, de bien 4 mètres sur 10, qu'il ouvre.
Deux énormes Rottweilers lui sautent dessus en aboyant des 
wouf! wouf! de joie; ils sont contents de retrouver leur maître!
    J'hésite à attacher la moto, mais le gars me dit que ce n'est pas la peine dans la cour; les chiens veillent.
Soit... je bloque quand même la fourche, Marseille est une ville qui te rend parano...
Il fait très sombre, mais c'est sans effort que je constate que c'est tout pourri; une grande cour bétonnée, on emprunte une allée du même métal, étroite, bordée à droite par de vieilles minuscules maisons préfabriquées et mitoyennes, et à gauche par des buissons et un haut grillage rouillé.
Il ouvre une de ces maisons qui doit servir de débarras (il vit dans la précédente), on entre, il m'indique et ouvre une porte équipée d'un verrou à l'extérieur.

    Je rentre dans la pièce, ça pue grave le renfermé et le chien mouillé, et il me montre le lit sur lequel je vais dormir.
- "Normalement, ce sont les chiens qui dorment là, mais cette nuit, ils dormiront dehors. Je pars bosser à 7h00, je viendrai me doucher (la "chambre" a une salle de bain, celle de SA maison n'est pas utilisable...), mais je suis désolé, je ne peux pas te laisser accès à ma maison et à la cafetière. Tu peux te doucher avant de partir, claque bien le portail quand tu t'en vas..."
Il s'en va, é buena notche.
Je regarde le lit, faut avoir envie d'y dormir: un tas de couvertures crades et recouvertes des poils des deux molosses.
J'enlève quand même mon futal après avoir fait un semblant de ménage et me glisse dans les draps en faisant une moue dégoûtée...
Je suis claqué après la route et la soirée, je flotte dans des vapeurs d'alcool en essayant de ne pas couler, je crois qu'il faut que je me repose tout de même un petit peu...
    Tant bien que mal je capote, bien qu'étant aux aguets, et c'est alors que j'entends un drôle de bruit métallique, assez fort et franc... puis un autre...
- "Putain! Je suis en train de me faire voler la moto!!", pense-je en me redressant d'un coup dans ma niche...

    Je me lève, bondis du lit comme un ouf et me rue en me précipitant à toute vitesse d'un bond et en un éclair à fond la caisse vers la porte pour sortir en calbut par 2 ou 3 degrés en ce début Mars, et le plus rapidement possible, vous l'aurez compris, voler au secours de ma belle que l'on veut m'arracher...
La porte est vérrouillée!
Je suis enfermé dans la chambre!

PUTAIN! JE SUIS EN TRAIN DE ME FAIRE VOLER LA MOTO!!!

    J'ouvre la fenêtre au dessus du lit, arrache la moustiquaire comme un sauvage, saute de l'autre côté et speede dans l'allée étroite vers ma bécane...
Elle est toujours là, tout va bien, les chiens endormis et pépères viennent voir ce qu'il se passe, me raccompagnent jusqu'à la porte de leur niche, qui est mienne pour une nuit.
Le verrou de la porte est fermé à double tour.
Je l'ouvre, tente en vain de repousser les chiens, qui me bousculent en passant en force et se jettent sur LEUR lit, je m'y cale aussi en en poussant un de manière autoritaire, qui finit, déçu, par aller mollement se poser sur un tapis, mais je partage encore le petit lit en 90 avec le deuxième, presque aussi grand mais plus lourd que moi...
Je laisse la fenêtre ouverte pour bien entendre ce qui se passe dehors, et du coup je me pèle, remonte sur moi les couvertures canines en claquant des incisives, glisse mes pieds sous le bestiau, c'est lourd, mais la chaleur animale fait du bien, surtout que j'étais sorti en chaussettes...
A peine 30 minutes plus tard, je suis réveillé par le gars qui vient prendre sa douche...
Il en sort et me répète ses consignes, me dit qu'il retournera à Cheste le soir, après sa journée de taf, mais que le samedi il y aura encore plus de monde et que ça risque d'être dur de s'y retrouver, mais enfin, ne sait-on jamais, tout est possible et peut-être à ce soir.
Et il sort accompagné des chiens, s'en va avec son camion, d'où la taille du portail.
Je me passe un coup d'eau sur le visage.
Je sors.
Le soleil se lève, je vois mieux où je suis.
C'est un peu défraîchi, c'est sûr.
Le grillage est rouillé, mais c'est vert par ailleurs.
J'allume une clope et vais vers ma moto.
Elle est toujours là.
Les chiens, bien qu'impressionnants, sont très sociables et je continue à faire ami-ami avec eux; on a partagé la même niche, ça crée des liens.
Je suis là, me réchauffant aux premiers rayons du soleil, dans le calme de la lointaine banlieue encore endormie à l'aube de ce samedi matin.
Tout à coup retentit le même son métallique que j'ai entendu dans la nuit...
Je tourne la tête en direction du bruit, et là, tranquille, dans l'enclos de grillage rouillé, un percheron s'affaire dans sa mangeoire.
Son collier tape contre le métal des demi bidons d'huile qui constituent sa mangeoire.
Klank... Klin-Klank!
C'était donc ça le bruit!
J'en souris...
Je retourne m'habiller et récupérer mes affaires.
Et puis j'ai compris: le gars qui m'a accueilli a dû verrouiller machinalement la niche de l'extérieur, comme il doit le faire habituellement, et m'a involontairement enfermé, comme il doit souvent enfermer ses chiens le soir.
Je replace tant bien que mal la moustiquaire déchirée...
Quel nase j'ai été!
Quel parano!
Non, le gars a tout simplement le cœur sur la main...
Il m'a ouvert sa porte et m'a laissé la refermer.
C'est lui qui aurait dû craindre de laisser sa maison de carton à un inconnu!
Faut pas FleePer comme ça!!

    Quatre cafés plus tard au bar de la veille, enfin... de 3 heures auparavant, juste au coin de la rue, je me mets en route pour le circuit.
Des centaines de bécanes sont déjà dans les parkings...
Je m'installe dans une tribune, tout en haut.
Ça fait 15 minutes que je suis là quand les 4 générations d'une même famille espagnole débarquent. Aucune femelle, une bonne quinzaine de mâles, de 6 à 80 piges.
5 glacières, autant de parasols sanglés aux barrières, des chaises longues de jardin sur lesquelles s'installent les patriarches, des drapeaux.
Par mimiques et onomatopées, on commente ensemble les essais et les courses annexes du week-end.
Dans les glacières, à boire, à manger, denrées qu'ils partagent avec moi, et refuser serait vexant, je le sens bien et m'éclate avec eux toute la journée.
Sauf pendant l'heure ou deux de break, pendant lesquelles je pars me poser à l'ombre de l'arrière d'une buvette, avec mes bouchons dans les oreilles pour essayer de dormir un peu.
Sans succès, mais ça fait du bien!

     

Je me fais toute la journée sur le circuit, je suis bien claqué, et me retrouve de nouveau à Cheste en fin d'après midi.

    Cette fois je sais où aller, mais je recommence à tourner en ville parce que ce soir, il faut vraiment que je trouve un endroit pour (bien) dormir!

Je retombe sur le panneau "Habitacionnes", m'arrête frapper à la porte.
Je me retrouve en face de deux couples agés, parents et grand-parents, serviette au col pour manger la soupe sans se saloper, et comprends qu'ils n'ont plus de chambre, mais qu'ils sont sans nouvelles de 3 teutons qui leur en ont réservé une; ils m'invitent donc à revenir une heure plus tard, au cas où elle serait finalement disponible.
    Je rejoins les rues de la frénésie motarde, me régale assis en amazone sur ma moto béquillée à suivre une procession folklorique géante, qui se déplace avec grosse fanfare, à côté du bar à l'enseigne "Joe Bar Team", suivi par une procession de motards flanqués de cuir, beaucoup de ces bécanes sont en échappement libre. Un joli tableau très contrasté.


    Tout le monde arbore de grands sourires, c'est très festif et convivial!
Je retourne vers ce qui pourrait être ma future chambre.
Toujours pas de nouvelles, faut que je revienne encore une heure plus tard, "et si ce n'est pas bon, ne vous inquiétez pas, on trouvera une solution pour vous trouver un endroit pour dormir."...
C'est ce que je comprends.
    Je reviens une heure plus tard, sans avoir revu mon hôte de la veille, et les allemands sont finalement arrivés...
J'accompagne alors la femme avec qui je discutais dans un dédale de petites rues, elle sur quatre, moi sur deux roues. Elle s'arrête, ouvre les deux battants d'un porche; j'ai largement la place pour laisser ma bécane à côté des 3 autres qui sont là.
    Elle m'amène dans une chambre cossue, avec de bons gros meubles de campagne en bois massif, un énorme édredon jeté sur le lit, ça me rappelle les nuits en hiver dans ma famille pyrénéenne, bouillotte en moins.
    Elle me montre ensuite la salle de bain et s'excuse de ne pouvoir m'offrir le petit déjeuner le lendemain, puisque tout le monde sera parti de la maison très tôt et que je serai seul.
Ce n'est pas grave, j'écrase toute la nuit comme un loir!!
    Le lendemain matin, je me dirige donc vers la salle de bain afin de me récurer des deux derniers jours.
Pour aller à la salle de bain, je me souviens que je dois traverser une grande cuisine, on pourrait manger à 25 à sa table, en se serrant un peu, certes, mais quand même...

J'entends le son de la télé à donf en provenance de la cuisine.
C'est donc qu'il y a encore quelqu'un?

Quand j'y arrive, je jette un œil autour de moi dans la lueur du tube cathodique et tombe sur le grand-père en train de ronfler dans un canapé face à la télé, la main tenant la télécommande posée sur son (gros) ventre découvert.
Je le reconnaît (incroyable, non?!), il y avait tout un tas de vieilles photos encadrées de lui, beaucoup plus jeune, avec plus de cheveux et moins de ventre, accrochées aux murs de la chambre dans laquelle j'ai dormi...
Ils m'ont donc loué sa chambre!
Et pour pas trop cher, le prix d'une de leur chambre dans l'autre petit immeuble en ville... 25 ou 35 euros, je ne sais plus...
Je me douche discrètement pour ne pas réveiller grand-père, récupère ma moto et file vite au circuit pour ne rien louper de tout ce qui va tourner dessus.

    Je me régale des courses, trouve d'autres espagnols pour commenter le passage des bécanes.
J'avais compris la veille qu'il ne fallait pas que je ponctue d'un "Hola!" les manœuvres périlleuses des pilotes; cela reviendrait à ce qu'un espagnol dise "Salut!" quand il voit un intérieur ou un freinage audacieux...
Cerise sur le gâteau, Fabien Foret gagne en supersport!
Je me régale jusqu'à la fin de la journée, pendant que le circuit se vide, avec la dernière course: celle des sides. Je ne comprends pas que le public les boude.
Depuis les tribunes du circuit, on ne comprend pas tout des courses, j'ai programmé mon magnétoscope pour les regarder à mon retour et il me tarde.

Bon...
C'est pas tout, mais faut que je sois rentré le lundi soir sur la planète Mars, je bosse mardi, moi!
Je prends donc la route, à l'opposé du flux des autres motards, par de toutes petites départementales, me perds sur les pistes d'un verger de citronniers, traverse une voie ferrée pour récupérer une grosse nationale qui me rapprochera d'un joli itinéraire souligné de vert sur ma carte, ce qui laisse présager du plaisir d'y rouler...
    Juste avant cette route, il y a un immense relais routier avec seulement une dizaine de camions stationnés sur les immenses parkings situés des deux côtés de la nationnale.
J'ai bien géré mon temps, le jour tombe à peine, je pose mes affaires, et redescends faire un choix de tapas sur les 40 mètres de vitrines réfrigérés qui occupent deux murs complets de la grande salle du restaurant.
    Je m'assois pile au moment où commence le match de foot du grand derbi régional Valencia/Barcelona.
Comme pendant deux jours autour du circuit, je ponctue les actions de "Oooohhh!", "tsss, tsss,tsss..." en secouant la tête de gauche à droite en signe de désapprobation, j'applaudis, suis plein de mimiques, et quand arrive la mi-temps, je me fais interpeller en espagnol.
- "Non habla espagnol...", réponds-je...
Ils rigolent; non seulement ils étaient persuadés que j'étais espagnol, mais en plus supporter de Valence, comme eux!
On trinque, et après le match dont le résultat m'importe peu au final, dodo!

    Le lendemain matin, à 7h00, la moto et moi nous ébrouons et repartons, moi dessus, elle dessous.
Température très négative: -7° au thermomètre extérieur de l'hôtel...
Je suis sur une route qui mène à plusieurs stations de ski, et je monte, donc, et il fait de plus en plus froid!!
Je scrute en roulant les fossés à la recherche d'un journal, et fini par apercevoir un magazine.
Demi-tour, je le ramasse et le nettoie un peu, l'ouvre et me le colle sous le blouson; c'est magique, ça va presque tout de suite beaucoup mieux!
Puis la route est en chantier, je suis sur une belle et large piste de terre entourée par les pentes recouvertes de plaques de neige...

     


    Je suis seul, les panoramas sont magnifiques et je me régale!
Debout sur les cale-pieds, ou assis en conduisant d'une main et tenant la caméra de l'autre...
J'enchaîne les bornes de piste, puis les petits villages de montagne où mon passage, si j'en crois les regards, surprend tout le monde...

     

    J'enchaîne les paysages magnifiques en remontant vers le nord, avant de traverser la grande plaine aride et poussiéreuse qui me sépare des Pyrénées.
C'est beau, paisible, grandiose, les vergers sont en fleurs en ce début Mars, les pauses y sont agréables...

         

    Après la pause café à Leria, je rejoins Bourg-Madame pour passer la frontière, et dès que j'arrive en France, presque comme d'habitude, le temps change. Un ciel bouché de nuages bleus de pluies d'orage m'attend...

    Mais finalement, je suis assez chanceux, puisque je rejoins sans me mouiller l'autoroute à Perpignan, c'est assez rare que je prenne l'autoroute, mais j'avoue que je fatigue un peu...
Il faudrait qu'ils fassent des motoroutes, c'est une idée à creuser...

    J'arrive chez moi à 22h30, après 15H30 de moto, je n'ai pas molli!!

Au contraire; j'ai la peau du cutané...