Le grand n'importe quoi... Rubrique-à-brac ATOC Avant toute chose, des nouvelles de mes lunettes de soleil VTT (lire "La quatrième dimension..."); plus de deux mois après leur disparition, elles sont toujours dans un autre espace temps... je garde au cas où les verres interchangeables (clairs et intermédiaires) et l'étui qu'il me reste, car bien que cela ne semble plus servir à rien, je serai bien content de les avoir lorsque la tourmente spatio-temporelle dans laquelle mes lunettes ont été prises sera enfin terminée... Non, cette fois-ci, c'est moi qui fait un voyage dans le temps, plus de trente ans en arrière... Au guidon de mon fidèle et très beau 103 basique orange customisé SP, surélevé et pneu-à-cramponné-paske-dans-les-carrières-ça-va-bien, je file en hiver vers mon lycée bordelais, le lycée François Mauriac, ce qui évoquera quelque chose aux locaux, ce qui n'évoquera rien ou pas grand chose aux autres. La vallée de la Garonne, c'est un peu humide en général, encore plus en hiver et plus particulièrement encore ce matin-là, car il tombe des seaux d'eau miteux, ce qui est loin de me rendre gay... heureusement, mon Père Noël, qui se prénomme André dans le civil, a eu la bonne idée de m'apporter un casque intégral, très joli bien que rose et argent à paillettes très flashy, mon Pére Noël ayant des goûts discutables, comme sa tenue vestimentaire en témoigne, car hormis son bonnet et tenue rouge ourlés de blanc de circonstance, il porte communément à l'époque une tenue à képi marine. Mais ce casque a au moins l'avantage de disposer d'une visière, ce qui n'était pas le cas de l'espèce de truc, intégral aussi, dont je me coiffais auparavant, sur le sommet duquel j'avais planté au milieu d'un tas conique de mastic polyester qui me restait après avoir arrondi mon cadre avec, deux bâtons d'esquimau en croix, et après l'avoir poncé à la perceuse équipée d'un disque rigide, il était agrémenté de jolies facettes plates, et fut repeint avec pinceaux et fonds de peinture rouge et noir pour maquette, le tout me permettant de rouler dans la légalité, mais pas plus... Pourquoi arrondir le cadre au mastic polyester? Parce qu'un jour, chemin faisant pour aller faire le con en solitaire dans une ancienne carrière, ma bougie commence à perler et moi à fleeper de me retrouver en rade, car je me souviens bien que je n'ai pas remis la clé à bougie qui était dans la petite boîte à outils du cadre...
Je suis au
milieu de la grande ligne droite étroite de la route de campagne qui
relie Camblanes-et-Meynac à Saint-Caprais-de-Bordeaux, ce qui
évoquera quelque chose aux locaux, ce qui n'évoquera rien ou pas
grand chose aux autres, surtout s'ils n'ont jamais goûté un Le
Parvis de Don Tapiau 1986, en rouge bien sûr...
Je jette un oeil derrière moi; personne.
J'entame donc
un demi-tour pour rentrer fissa "alla casa mia" chercher ma
clé à bougie, demi-tour que j'interromps pour vérifier au cas où
que mon antiparasite soit bien en place. Je suis donc arrêté
moteur pétaradant en plein milieu de la route, perpendiculairement
au sens de circulation.
Et j'entends
klaxonner!
Toujours en
selle mais penché sur le moteur, je relève et tourne la tête, pour
avoir la vision terrifiante d'une Fiat Ritmo Abarth 125 fonçant sur
moi à une allure digne d'une nuit, voire d'un jour de rally, ce qui
est bien plus rapide encore... Redressé mais tétanisé, je la
regarde s'approcher à vitesse grand V, puis bloquer ses roues et
glisser en travers pour passer à 3cm de ma jambe gauche...
La voiture fauche le 103 sous moi, je suis projeté en l'air, ai le temps d'être surpris de voir le ciel et la cime des arbres pendant mon saut périlleux arrière, puis retombe lourdement sur le haut du dos, jambes en l'air et menton sur la poitrine... je me relève instantanément après un roulé-boulé arrière digne d'un cascadeur, vois ma roue avant qui, arrachée, continue de rouler seule... la voiture, elle, a terminé sa trajectoire dans le champ en contre-bas sur ses 4 roues, ce qui n'était pas gagné d'avance. Enervé d'avoir aussi connement provoqué tout cela, j'enlève et jette violemment, et en étant très grossier je l'avoue, mon casque pourri au sol, qui y rebondit et que je rattrappe au vol, regarde jusqu'au bout l'image insolite de ma roue avant qui ralentit, zigzague, pour finalement tourner en rond et se poser sur le bitume, comme une pièce de monnaie sur un comptoir, à plus de 50 mètres... Un bras de fourche est perpendiculaire à l'autre, et on voit bien l'impact de la bagnole sous le réservoir. D'où le mastic pour combler le creux, prétexte aussi pour arrondir le réservoir et avoir un 103 custom, d'où aussi le montage d'une fourche à fourreaux bien parallèles, comme ils se doivent d'être, et autres accessoires très prisés de 103SP récupérés par la même occasion...
Mais revenons donc à ce petit matin sombre de janvier, sombre car c'est la nuit noire agrémentée de nuages tout aussi noirs. Comme à l'accoutumée, un embouteillage monstre gorge de véhicules les quais de Garonne de la rive droite. Je passe sous le pont Saint-Jean et traverse les anciens rails de la gare de triage, ce qui évoquera quelque chose aux locaux, ce qui n'évoquera rien ou pas grand chose aux autres, sauf s'ils sont proches de wagons que les locaux motivent pour les sortir de leur train-train. Poignée de gaz vissée en coin, je double par habitude et la gauche les deux files qui avancent au pas... Je n'y vois pourtant rien! Entre l'eau qui s'abat sur la visière et les reflets changeants des feux et éclairages qui se reflètent de partout et m'éblouissent, j'attends d'arriver le plus près possible du terre-plein près de la caserne de pompiers qui jouxte mon lycée pour me réinsérer dans le flot de la circulation. Gonflé d'adrénaline, je suis assez satisfait de doubler tous ces gens, certes au confort dans leurs caisses, mais bloqués, niark, niark... Le terre-plein arrive bien plus tôt que dans mon souvenir, je n'ai que le temps de faire passer la roue avant à sa gauche avant de penser à freiner. La roue arrière glisse sur la chaussée détrempée, vient taper contre la haute bordure du terre-plein. Le 103 se couche sèchement malgré la météo humide, et je pars en vol plané pas planifié à 70km/h... Bras tendus en avant, corps à l'horizontale, je vole tel Superman, sur une bonne dizaine de mètres à un mètre au-dessus du sol! Le temps ralentit, ça me semble durer (bien trop) longtemps, et pendant cette durée, je vois à travers le kaléidoscope de ma visière les phares d'une voiture en sens inverse se rapprocher, et je me demande à quelle vitesse le choc va avoir lieu et quelles en seront les conséquences. Au plus profond de moi, j'ai conscience de souhaiter intensément d'au moins ne pas mourir écrabouillé comme un vulgaire limaçon de saison... Ouille! J'atterris lourdement et douloureusement, presqu'à plat puisque d'abord sur la hanche droite, puis je continue de glisser sur une autre bonne dizaine de mètres de bitume lisse et détrempé, toujours bras en avant, toujours en fixant les deux phares jaunes dont je me rapproche assez dangereusement... Je finis par m'arrêter, à seulement 3 mètres de la voiture, arrêtée elle aussi, car par chance, elle venait juste de démarrer du feu rouge d'avant. Si elle avait été un peu plus lancée, je n'aurais peut-être pas pu raconter cette histoire... l'histoire aurait été en tous cas différente... J'ai honte de m'être viandé aussi stupidement devant un public aussi nombreux, je refuse poliment puis fermement les propositions d'aide des quelques personnes qui ont osé sortir sous les trombes d'eau pour s'inquiéter de ma personne, et qui tiennent absolument à m'accompagner à la caserne toute proche pour que l'on m'y examine, alors que je n'aime pas arriver en retard, et en l'occurrence, arriver en retard au lycée. Contrairement aux spectateurs de la scène, je n'ai pas vu grand chose de mon vol, mais à voir leur tronche et leur insistance, je me doute que c'était spectaculaire et leur a fait peur. Mais c'est bien mon amour propre qui fut le plus blessé ce jour-là... Je me suis soigné tout seul. Le 103 n'a rien eu, et à peine 3 accrocs sur mon poncho... Ouf! Mes parents n'en sauront rien! Un jour, je vous raconterai comment je me suis viandé dans une large épingle à 120°, que je testais en la prenant de plus en plus vite à chaque passage... après les étapes "Je freine moins!", puis "Je ne freine pas!" et "Je coupe un peu moins...", cette fois-là, je décide, afin de peaufiner de manière ultime mon passage, de ne pas couper les gaz du tout, je sors le pied façon supermotard et ce n'est que trop tard que je vois les graviers certainement amenés au pied de la colline par une précédente pluie d'orage d'été. La glisse sur le bitume sec, rugueux et gravillonneux a laissé bien plus de traces, et les paroles du vieux bouc hargneux et haineux arrêté au stop n'ont pas été aussi prévenantes: - "AH BRAVO!!! C'est bien fait pour ta gueule, espèce de petit con! Ça t'apprendra à rouler trop vite... PETIT CON, VA!!" - "Oui... merci, je vais bien... c'est gentil de vous en inquiéter!"
Ah ben non,
j'vous raconterai pas ça, je viens de le faire...
Je vous raconterai plutôt le premier jour où j'ai fait du vélo sans les petites roulettes, car après "sans les pieds!", puis "sans les mains!", je m'étais donné comme défi "sans les yeux!", ce qui évoquera quelque chose aux locos comme aux autres...
Ah ben non,
j'vous raconterai pas ça non plus, je viens aussi de le faire...
bon, de toute façon, "sans les yeux!", ce n'était
vraiment pas une bonne idée...
Tout cela
explique peut-être pourquoi "sans
protection" n'est pas un défi que je me
lance désormais lorsque je roule en deux roues,
et que quand je me dis que je suis en train de faire un truc débile, j'arrête
aussitôt...
Notes:
les
photos qui illustrent ce texte ne sont pas celles de mon 103... je
n'en ai malheureusement aucune photo!! FleePee
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