Fabrice,
je le connais depuis un bail, alors qu'il était vendeur dans un
magasin d'accessoires moto bien connu. Ce n'est pas un ami, car bien que
je l'apprécie beaucoup, on ne se connaît pas.
Je suis retombé
sur lui, sans lui faire mal, il y a environ deux ans, alors qu'il
gérait les essais de machines par les clients du concessionnaire
Honda King Moto à Marseille. J'y étais venu essayer la NC700X en
version DCT. Pour l'anecdote, il n'y avait finalement qu'une boîte
manuelle de dispo...
Et
puis arrive l'événement de la présentation aux concessionnaires
Honda de la new Africa Twin CRF 1000L en Espagne. D'un peu partout, des
infos sur les manifestations organisées pour accueillir cette
machine dans les concessions le 16 janvier 2016 sont
publiées.
J'appelle donc King Moto pour connaître et relayer les
infos sur ce qu'il y aura de prévu chez eux. C'est un certain
Fabrice qui gère, qui ira chercher la machine en Espagne; je ne lui
précise pas que j'y serai aussi, j'aime bien faire des surprises...
Plus
tard, alors que je traverse la réception de l'hôtel espagnol des
Honda boys, un gaillard est à l’accueil, avec un sweat arborant un
énorme King Moto dans le dos. Je me rapproche en lançant:
"Fabrice?"
Il se retourne... Fabrice, c'est
donc le gars que je connais déjà et dont j'avais oublié le
prénom.
Je me présente, on tchatche un peu, on sait que l'on se
reverra plus tard pendant notre séjour.
Et lors de la soirée au
bivouac, on se retrouve, on a un peu de temps pour discuter pendant
l'apéro. C'est lors de cette discussion qu'il me propose de réaliser
un essai de cette New Africa en disposant d'une machine pour une
journée complète!
Pas la peine de me mettre un couteau sur la
gorge pour que j'accepte: il m'a fait une offre que je ne pouvais pas
refuser!
De quoi avoir un sourire béat et les yeux qui pétillent
pour le reste de la soirée!
Grâce
à Fabrice et King Moto, j'ai donc pu réaliser cet essai le 17
février dernier.
Dès que j'ai su que j'allais pouvoir le faire,
j'ai eu envie d'en avoir de belles images... j'en avais donc déjà
parlé à Sylvain, un collègue de Fanny Production, pour lui
demander si je pourrais emprunter à la boîte des caméras Gopro
hero4 sur la journée. Pas de soucis, et si possible, il viendra même
avec le drone!
J'en parle à Jean-Ba, photographe pro, et lui, il
pourra venir avec ses boîtiers!
La veille de l'essai, en passant
chez Fanny pour récupérer 2 caméras, j'apprends que Jérémy
viendra aussi: il aura une caméra haute vitesse (240 images par
seconde), largement suffisante pour avoir de beaux ralentis...
Dediou!
Un
photographe, deux hero4, ma hero2, un drone et une caméra Sony
FS700...
Ça s'annonce bien tout ça!
Le
jour J, peu avant 8H30, j'arrive chez King Moto, Fabrice me suis de
près...
On fait les papiers, je fixe ma sacoche de selle
contenant les Gopro et leurs accessoires, puis je traverse Marseille
pour rejoindre Gémenos.
En ville, cette boîte DCT est terrible
dans les embouteillages. Tout l'avantage est d'avoir en permanence
une bonne prise de la main gauche sur le guidon, le ou les doigts
servant à commander l'embrayage n'étant plus réquisitionnés pour
cette manœuvre.
Un truc pénible, tout de même: quand avec une
boîte manuelle on peut embrayer en seconde en freinant pour laisser
la priorité aux abords d'un giratoire, puis s'y engager en jouant de
l'embrayage. Avec cette boîte DCT, si la vitesse de déplacement
descend trop bas, la moto a tendance à passer en première,
générant un à-coup à la remise des gaz...
Accélérations,
freinages, remontées des files de voiture, plus l'équilibre de la
CRF, font que le déplacement urbain s'aborde facilement, bien aidé
par la souplesse du moteur, qui reprend bas dans les tours sans
(trop) cogner, puisque si besoin ça rétrograde...
J'ai lu sur
les forums que beaucoup se plaignent de la position des boutons de
commande sur les commodos... franchement, une fois que l'on a intégré
que celui des clignotants est 5,42mm plus bas que sur d'autres motos,
je ne vois pas où est le problème...
Il y en a aussi un qui se
plaint de ne pas pouvoir sélectionner un mode d'affichage sur le
tableau de bord de l'horloge sur 24h plutôt qu'uniquement sur 12, et
c'est vrai que du coup, cela me fait vraiment hésiter à acheter
cette première version. Je crois que je vais plutôt patiemment
attendre que ce soucis soit réglé par Honda pour envisager la
signature d'un bon de commande, et pouvoir regarder le tableau de
bord sans être décontenancé de n'y pas voir mon radio réveil. Il
est vrai que lorsque l'on lit "2:35", il est difficile de
savoir si c'est la nuit ou l'après-midi, ce qui est d'autant plus vrai que l'on se rapproche
du cercle polaire...
Bon d'accord, il ne s'est pas vraiment
plaint, il se posait simplement la question de comment le faire...
mais, en conséquence à ma réponse légère et moqueuse sur ce
sujet, vu la leçon de vie qu'il a pensé pouvoir se permettre de me
donner et les jugements hâtifs sur ma personne qu'il a portés sans
me connaître, je ne pouvais que continuer à me moquer de lui...
Bisque, bisque, rage!...
Je
fais le plein en arrivant dans la zone commerciale de Gémenos, fait
une pause à l'entrée du parc de Saint-Pons afin d'installer les
caméras. Jean-Ba est en route pour le col, dixit le SMS que je lis.
Vite!
Une cam sur le casque, une sur le harnais, une que je fixe
aux barres de protection pour filmer la roue avant, et zou!
Je
démarre du pied de la montée du col de l'Espigoulier, route qui
mène ensuite au Plan d'Aups.
L'essai commence vraiment!
Mode
S1, traction control laissé au max, je découvre cette moto alors je
ne veux pas trop en faire...
Je n'ai pas choisi cette route par
hasard: elle est aux portes de Marseille, le soleil l'arrose de ses
rayons tôt le matin, et comme en montagne, elle est pleine de
virages et d'épingles, au cœur d'un site aux panoramas préservés,
et puis aussi, je la connais bien!
Cette
moto est tellement facile, qu'assez rapidement j'en prend la mesure.
Je sens bien qu'elle ne me surprendra pas, à moi de ne pas me faire
surprendre par un excès d'optimisme!
Le plaisir, vraiment un réel
plaisir, de se contenter de tourner la poignée en grand et de
prendre de l'angle après n'avoir joué que des freins... le régime
moteur qui grimpe en continu mais de manière franche et linéaire,
l'agréable sensation d'avoir à contrer la puissance de la force de
la roue arrière qui pousse l'équipage vers avant. Le feulement
profond de l'échappement flattant les oreilles, ainsi qu'un son
surprenant de turbine, un sifflement aigu en provenance du moteur,
mettent en musique le tableau magnifique qui s'offre à moi. Je ne
parle pas (que) du tableau de bord...
Je contemple le tableau du
paysage qui aux abords défile, alors que je ne voie aucun des fils
du tableau de bord immobile...
Ne
plus avoir à passer les vitesses, ne veut pas dire ne plus avoir à
freiner... quand on a juste à tourner la poignée d'accélérateur
pour avancer, on s'attend à freiner en faisant le mouvement inverse,
un peu comme dans un jeu d'arcade pour smartphone... j'ai failli me
faire avoir. Il faut donc quand même avoir une action sur le levier
de frein avant et pédale de frein arrière pour se ralentir de
manière efficace, ça, ça ne change pas par rapport à une bécane
dotée d'une boîte manuelle, pourtant actionnée au pied...
Et
puis les freins sont très bons, il serait dommage de s'en priver!
Je
teste les gâchettes qui permettent de passer les rapports
manuellement.
Je tombe un rapport pour entrer en seconde dans une
belle et large épingle, c'est instantané, je passe à mi-régime et
ouvre les gaz en grand au fur et à mesure que je redresse la moto...
c'est vif, c'est stable, bien que je sente que sur route à ce
rythme-là, la stabilité s'améliorerait pas mal en jouant sur les
réglages des suspensions, mais ce serait au détriment du confort
dans les portions moins bien revêtues qu'il y a plus loin...
Le
moteur reste dans les tours en troisième alors que je n'ai pas envie
d'attaquer à cet endroit-là?
Tic, Tic... je passe la cinquième
et enroule tranquillement jusqu'à la courbe suivante.
J'aime
bien, faut juste développer d'autres réflexes de conduite. Au lieu
d'être prêt à prendre l'embrayage, suffit d'être prêt à jouer
du pouce ou de l'index pour s'amuser avec les rapports...
Je
retrouve Jean-Ba au col, apprends que mes deux collègues sont
arrivés juste au moment où je m'élançais dans la montée, ils
m'ont vu partir. Je ne m'attarde donc pas là-haut et file rapidos
les rejoindre.
Excité,
je mène bon train, les pneus sont chauds, les bottes frottent sur le
bitume quand je vire... Je suis surpris: je ne suis pas un furieux,
ça ne m'est jamais arrivé avec mes précédentes Africa Twin... les
cales-pieds seraient-ils donc positionnés plus bas?
Quand
je rejoins Sylvain et Jérémy, je ressens que je me suis approprié
la moto; j'ai sincèrement l'impression que cela fait un bail que je
roule avec, que je la connais bien... pas besoin de mode d'emploi
tant tout est évident!
La
session "images" peut commencer!
J'enlève les cams
parce que c'est moche, Sylvain, Jérémy et Jean-Ba prennent position
dans une épingle et j'y enchaîne les passages devant leurs
objectifs. La star, c'est elle, pas moi!
Bien que j'ai soigné mon
look, nettoyé de la terre de la veille et graissé mes bottes...
On
se cale dans un second enchaînement de larges épingles et on
continue la séance...
Malgré des soucis de contrôle du drone,
je vais avoir un joli stock d'images!
Un grand merci, vous avez
été terribles et ça m'a fait vraiment plaisir que vous soyez
présents!
J'installe
de nouveau les cams lorsque tous repartent, pour filmer le passage
sous d'autres angles et soleil au zénith. Arrivé au col, je
redémonte tout, mets 2 caméras en charge sur une batterie externe,
et pars enfin pour ne faire QUE tailler la route, car il est déjà
12h30 et je dois ramener la moto avant 18h... il va falloir que
j'enchaîne, et tant pis pour les pistes que je voulais prendre, je
n'ai pas le temps de tout faire.
Je traverse la Sainte-Baume
jusqu'à Mazaugues en jonglant avec les différents modes, emprunte
un petit bout de piste pour me faire à l'écart une pause
casse-croûte vite expédiée, puis je file vers
Notre-Dame-des-Anges, sanctuaire posé au cœur du massif des Maures,
avec une vue dégagée sur le massif, la Méditerranée et les côtes
varoises.
Je viens régulièrement me poser ici: toutes les routes
du coin sont de parfaites routes à trails... étroites,
tournicotantes, couvertes de graviers et de feuilles.
Je retrouve
le même défaut dans des épingles serrées abordées à faible
vitesse que celui découvert aux abords de giratoires: la fâcheuse
tendance à rétrograder en première alors qu'on passerait en
seconde en jouant de l'embrayage avec une boîte classique... ça
nuit à la fluidité de la conduite. Je ne me souviens plus du mode
avec lequel je roulais, certainement le S1, celui que j'ai le plus
utilisé.
Une toute petite incartade sur des pistes en sous bois,
où la monte pneumatique d'origine avoue ses faiblesses sur de la
terre humide, où le Traction Control s'active, où je ressens
(enfin?) le poids de la bête et ses 10 kg de plus en version DCT.
Je ne me sens finalement pas plus à l'aise sur les pistes avec
cette CRF qu'avec mon Africa. Mais aussi, ce n'est pas la mienne et
ça me ferait encore plus râler de la mettre à
terre...
Tranquillement, je redescends vers la plaine.
Avant
d'y arriver, je range les caméras et veut sangler mon sac pour
effectuer le retour plus léger. 4 ergots pour installer des sandows
sur le minuscule porte-paquet... trop rapprochés pour mon petit sac à dos
que j'installe entre la place passager et par-dessus ma sacoche de
selle. Des points de fixation au niveau des poignées passagers
auraient été bienvenus et pratiques...
Je passe de nouveau par
Mazaugues et la Sainte-Baume, en me posant cette question:
- "À quelle vitesse les rapports passent-ils?"
Je profite
d'un bout droit pour ralentir jusqu'à passer en première et ouvre
en grand les gaz. La seconde et la troisième passent sans que je
n'ai le temps de regarder le compteur.
110,120,130, 140 km/h...
(sur le circuit du Castellet...)
Le virage suivant se rapproche...
Et bien?!! Jamais tu la passes la quatrième?!!
Enfin! À 141
km/h la quatrième s'enclenche. Je soulage
l'accélérateur et les
deux rapports suivant s'enchaînent... je freine, la boîte
tombe
deux rapports. Si vous avez bien tout suivi, vous savez que je suis
donc en quatrième, mais d'un coup de pouce, je passe en troisième, pour me propulser gaz en
grand dans le
virage suivant...
La con de sa race, comment qu'elle marche sa
mère!
Désolé... c'est sorti tout seul...
Mis à part
dans les épingles et les giratoires où elle surprend, cette boîte est un pur
régal!
Il doit bien y avoir un mode, un moyen ou un coup à
prendre pour passer à faible allure sans pour autant basculer en
première... faudra que je demande au gars qui voudrait mettre
l'horloge en mode 24h s'il a une réponse, je suis sûr que lui
l'aura vérifiée avant de me la donner, il m'a affirmé qu'il le faisait toujours...
Toujours
est-il qu'il est à peine 16h30 quand je suis de retour à
Gémenos...
Bon, ben... si je ne traîne pas en route, j'ai donc le temps d'en profiter encore un peu!
Je file directement vers le col de l'Ange, traverse
la forêt de Fontblanche. D'une franche accélération je dépasse
tous les véhicules sur mon chemin, même les deux sportives qui ne
voulaient pas jouer et auxquelles j'ai mis un vent en descendant sur
Ceyreste, afin de rejoindre la route des crêtes pour y faire une
dernière pause photo...
Parce
qu'en roulant, je l'ai imaginée cette photo.
Chemin faisant, j'ai fait ce que que je souhaitais faire depuis le matin: je
suis entré dans un magasin de presse, ai trouvé le numéro de Moto
Journal qui venait de sortir, lu le sommaire pour constater que
l'article que j'avais écrit sur la présentation des CRF en Espagne
y était bien publié... comme prévu!
Que ça tombe aujourd'hui, alors que j'ai une belle CRF entre les
mains et les pattes, faut que j'immortalise le truc avant de la rendre!
Je vais me poser sur la route des crêtes
pour être sûr d'avoir la lumière du soleil et me prendre en photo
en faisant semblant de lire l'article, avec ma belle d'un jour derrière moi...
C'est
finalement une jeune fille compatissante qui prendra la photo, me
voyant galérer pour placer mon téléphone sur les rochers...
j'avais moi-même proposé à un couple de retraités de les photographier à
Notre-Dame-des-Anges, Dieu m'aurait-il donc remercié de cette bonne
action en m'envoyant à la rescousse cette jeune fille?
Je
n'attends pas la réponse à cette question pourtant légitime,
m'équipe pour vite décamper sans m'attarder plus. L'heure tourne et
je traverse les embouteillages de Marseille jusqu'à la concession,
où j'arrive vers 17h59'12 " et sur la fin de la réserve. Le
voyant est allumé depuis que j'ai démarré sur la route des crêtes…
J'ai dû faire
aux environs de 300 bornes, la seule chose que j'ai repérée au
tableau de bord en la garant, c'est que j'ai fait grimper la conso
moyenne de 2 litres en 300 bornes sur les 2000 affichés à mon
retour... soit de 4,2l le matin en prenant la moto à 6,2l le soir...
Je trouve ça louche, j'aurais dû prendre un peu plus de temps pour consulter le tableau de bord...
Quelle
journée!
Merci encore à Fabrice et à King Moto de m'avoir donné
(prêté! Bien que cela soit dommage, faut pas déconner!) de quoi
écrire ces lignes!
Et vivement que la concession King Moto du centre ville ouvre ses portes!
Faudrait
que je m'en refasse une journée comme celle-là, avec une CRF en
version boîte manuelle et dotés de pneus adaptés pour pister les chemins et
cheminer sur les pistes...
Flûte...
V'la-t-y pas que j'bave à
nouveau...
LA SUITE: l'essai de la CRF en boîte mécanique, à lire ici...
La vidéo du jour: